Mon exemplaire de La Grande Tribu, il est moche, mais j'y tiens. Ma mère et moi avons été les premières à en recevoir un. On l'avait bien mérité. Pendant qu'il l'écrivait, Youenn nous réveillait au milieu de la nuit pour nous demander si on se rappelait du nom d'untel ou le nom d'un lieu, et moi surtout c'était pour l'orthographe des rues de New York ou des expressions new-yorkaises, que je pratiquais assidument. Même maintenant, des fois, je les traduis machinalement et alors personne ne sait de quoi je parle... (Annaig)


Si Lady Moynihan, reine de l’irish coffee et du « poteen » clandestin, n’était pas tombée malade à New York, si la belle Mildred, sa fille très volcanique, ne l’avait pas raccompagnée vers son Bellybroghan natal, sûr, tout ça ne serait pas arrivé. Car Ange Rosso, le meilleur sonneur de biniou du Bronx, n’aurait pas cherché dans la chaude sollicitude de la grande tribu des paumés du Nouveau Monde – et dans l’abus de liqueurs alcoolisées – une consolation à ses malheurs…

Une épopée burlesque, menée à un train d’enfer, entre Grand Concourse et Harlem, dans le New York fou, fou, fou des minorités, où se mêlent, se heurtent et fraternisent Noirs, Portoricains, Irlandais, Juifs, Italiens, Québecois, tandis qu’au long des quais, entre Brooklyn et Hoboken, se profilent dans les brumes – mais ne serait-ce pas plutôt les vapeurs d’alcool ? – les ombres fantomatiques des armées de libération de la Bretagne. Tout ça, bien sûr, finira par une bouteille lancée à la mer, au large de l’Irlande…

A hurler de rire – mais attention, avec ces drôles de bretons, un éclat de rire peut cacher bien des larmes, et l’immense nostalgie du pays perdu. Non, vous n’oublierez pas de sitôt Erika One et Erika Seconde, la Grande Guiguite et l’affreux Freddy, Antoine l’inévitable, Jean-Pierre « l’autonomiste » et la sublime Cindy, les couilles de moutons de Perig le pensif, les mitrailleuses de Paddy – et cette Mildred qui, décidément, se fait attendre…


Youenn Gwernig, poète et chanteur breton, fameux de Rennes à Dublin, de Glasgow aux îles d’Aran, s’affirme ici comme un formidable raconteur d’histoires.



Texte de la quatrième de couverture de La Grande Tribu, probablement rédigé par Michel Le Bris ou Françoise Verny.